Sans expression

« Sans expression » est un court métrage d’animation qui décrit une société dans laquelle les humains ont recours à une forme de chirurgie esthétique extrême en fixant les traits de leur visage comme un masque impassible sans trace d’une quelconque émotion. Chacun revêt désormais en toute occasion le même faciès apathique.
Le scénario a pour origine le livre Unmasking the face* de Paul Eckman dans lequel ce dernier décrit six expressions faciales universelles chez les humains, essentielles à toute vie sociale : tristesse, joie, colère peur, dégoût, surprise. Démunis de ces expressions, les humains sont incapables de communiquer, de se comprendre les uns, les autres, d’interagir.
Ce court métrage explore différentes situations où les émotions qui devraient être exprimées par les protagonistes sont absentes :
– divers personnages défilent tour à tour devant l’objectif d’un photographe afin de se faire chacun tirer le portrait, ils restent impassibles, semblables, sans expression ;
– dans le cabinet d’un chirurgien esthétique : l’opération initiale qui permet aux humains de perdre toute plasticité des traits du visage est un succès, le patient très satisfait remercie chaleureusement le chirurgien… sans expression ;
– le 31 décembre à minuit : la ville est en effervescence, quelques personnes dans la rue ont le regard fixe et ne disent mot, sans expression ;
– au cinéma : un film d’horreur est projeté sur l’écran et baigne les spectateurs dans des reflets sanglants, on entend des cris d’effroi, aucun réaction, les spectateurs demeurent sans expression ;
– dans un avion en perdition plongeant vers le sol : la fumée envahit l’habitacle, les alarmes se déclenchent, les masques à oxygène sont libérés, mais les passagers ont tous le même visage dénué d’émotion ;
– dans son Smartphone, une personne fait défiler ses contacts, ses relations, sa famille, ses amis, ses proches, autant de visages fichés tous semblables, sans distinction, ni émotion ;
– un hold-up dans une banque : les alarmes vrillent les tympans, des clients sont pris en otages par les gangsters, mais tous les protagonistes de la scène restent impassibles, sans émotion ;
– une interface de réseau social, type Facebook, le curseur d’une souris « like » une photo, elle choisit une des icônes, toutes identiques, pour marquer… son absence d’émotion ;

Le décalage entre la mise en scène, l’action, le son, et l’absence totale d’expression des acteurs de la scène qui la vivent et l’habitent provoque le trouble et le malaise chez le spectateur. Aucune empathie, aucune issue. Une démonstration par l’absurde de l’indispensable nécessité d’exprimer notre ressenti, nos sentiments, nos émotions.

*Paul Ekman, Wallace V. Friese, Unmasking the Face: A Guide to Recognizing Emotions from Facial Clues, Prentice Hall, 1975

Ce projet a été réalisé après une rencontre avec Jean-Claude Martin, Professeur en Informatique, IUT Orsay – Université Paris-Sud, responsable du Groupe de recherche « Cognition, Perception et Usage » au LIMSI-CNRS, qui nous a longuement présenté ses recherches autour des émotions et de leurs modes d’expression.
Nous remercions également Jacqueline Nadel, Directeur de recherche CNRS – Centre de l’émotion qui nous a mis en relation avec Jean-Claude Martin.